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Maha Shivaratri, période auspicieuse?


Mahā Shivarātri est célébrée chaque année la nuit précédant la nouvelle lune du mois de février ou de mars. Pour être plus précis, sa date est fixée entre la treizième nuit et le quatorzième jour suivant Krishna Paksha (pleine lune) du onzième ou douzième mois du calendrier hindou


Durant cette nuit entière dédiée au dieu Shiva, les dévots se réunissent pour apporter des offrandes, prier, méditer, chanter des mantra en l’honneur de Celui sans qui l’Univers se serait éteint.

Ces Puja (cérémonies) se font en effet en commémoration de l’Amrita Manthana (le barattage de la mer de lait), un épisode déterminant de la mythologie hindoue :

A l’origine de l’Univers, alors qu’ils étaient simples mortels, les Deva (dieux) et les Asura (démons) se disputaient le pouvoir de l’ordre du Monde. Sur conseil de Vishnu, le préservateur de l’Univers, les Deva unirent leurs forces à celles des Asura et firent ainsi bouillir l’océan de lait afin d’en extraire le nectar d’Immortalité (Amrita).

Cependant, simultanément à l’apparition de l’Amrita, Kālakūta (un violent poison) émergea également à la surface de la mer de lait. Terrifiés, ils comprirent que leur détermination à acquérir le pouvoir d’Immortalité engendra en un même temps la menace de la destruction de l’Univers dont ils désiraient pourtant maintenir l’ordre et l’équilibre. Désemparés, ils s’en remirent alors au Seigneur Shiva qui, par amour pour le Monde, aspira le poison sans l’avaler.

Toute la nuit, Shiva lutta contre le sommeil pour conserver le poison dans sa gorge sans prendre le risque de l’ingérer. Et pour le maintenir éveillé, les Deva passèrent toute la nuit à chanter et à danser. C’est à l’issue de cette nuit que le poison se transforma et, afin que les dieux puissent se souvenir du danger que leur orgueil avait fait encourir à l’Univers, la peau de Shiva devint intégralement bleue.

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Même sans être Hindou, à l’échelle universelle, Mahā Shivarātri est une fête particulièrement intéressante sur le plan symbolique.

Le barattage de l’océan de lait fait métaphoriquement référence au processus de transformation qui est à l’œuvre dans la pratique yoguique. En effet, dans l’assiduité à la pratique, émergent à notre surface toutes sortes de sensations, de sentiments, d’émotions.

Tout en découvrant peu à peu le meilleur de nous-mêmes que nous cherchons à développer (notre Amrita), nous sommes également confrontés au poison présent en nous (Kālakūta) et qui menace notre avancement et notre évolution ; ce poison est Avidya, l’ignorance, et ses ingrédients sont nos illusions, nos conditionnements, nos peurs, nos fausses croyances, etc.

Nous ne pouvons recracher ce poison et faire comme s’il n’existait pas. Il est là, prêt à agir en nous. Et, pour ne pas nous laisser détruire par ce poison intérieur, notre seul antidote est le discernement, la vigilance, l’attention à chaque instant.

C’est ce que représente Mahā Shivarātri, cette nuit durant laquelle Shiva demeura éveillé, la conscience pleinement présente, afin que le poison ne puisse profiter d’un moment d’inattention pour se distiller en lui et l’anéantir.

C’est en cela que la pratique peut tant nous ébranler parfois. C’est un véritable apprentissage de la persévérance, de la patience et de la foi : la discipline que cela nous demande n’est pas vaine ; faire face à nos ombres, les sonder et les admettre nous permet petit à petit de nous en affranchir afin que la Lumière puisse jaillir et triompher enfin de notre obscurité.

Ce que dit aussi la légende c’est que notre désir ardent de prendre le pouvoir sur nous-même et de nous établir dans la plus juste version de ce que nous sommes devrait toujours être équilibré par une humble confiance et un paisible abandon en une Transcendance qui nous apporte les grâces au moment où nous sommes prêts à les recevoir et suffisamment sages pour les préserver sans les abîmer dans un sursaut d’ego.

Cela illustre donc la nécessité de la complémentarité à trouver entre la détermination et le lâcher-prise afin de toujours garder à l’esprit que, même si nous avons le pouvoir de changer, nous n’avons (heureusement) pas la maîtrise de tout.

En réalité, nous ne pratiquons pas pour devenir meilleurs ; nous devenons meilleurs parce que nous pratiquons : les fruits de la pratique se récoltent lorsque nous nous détachons de nos attentes du résultat. Les bénéfices de la pratique ne sont pas un objectif à poursuivre, à conquérir et à atteindre, ils ne sont qu’une conséquence à accueillir, à recevoir et à honorer.

Alors, à défaut de devenir dieux et saints, au moins, nous pouvons devenir heureux et sains en nous autorisant à nous libérer de tout ce qui nous empoisonne.

***

अभ्यासवैराग्याअभ्यां तन्निरोधः

abhyāsa-vairāgya-ābhyāṁ tan-nirodhaḥ

(Yoga-Sutra I.12)

Dans le juste équilibre application-abandon, lorsqu’il n’existe plus ni rigueur ni langueur, ni bien ni mal, ni blanc ni noir, ni qualité ni défaut, ni lumière ni ténèbre, ni dieu ni démon, ni nectar ni poison, par la libération du joug de son ego et de l’ignorance dans laquelle celui-ci le maintient, le pratiquant entre alors dans la Félicité, au-delà de l’illusion de toute dualité.

Bolo Bolo Sab Mil Bolo Om Namah Shivāya Om Namah Shivāya Om Namah Shivāya Bolo Bolo Sab Mil Bolo Om Namah Shivāya Jūta Jatā Mey Gangādhāri Trishūladhāri Damaru Bajāye Dama Dama Dama Dama Damaru Baja Gūnj Utha Om Namah Shivāya Om Namah Shivāya Om Namah Shivāya Om Namah Shivāya Hari Om Namah Shivāya

Chantons tous ensemble le mantra « Om Namah Shivāya ». Ô Seigneur Shiva, Toi qui tiens le trident et qui portes le Gange dans ta chevelure emmêlée et tressée, tu fais retentir le son de ton tambour. Sa vibration s’élève, faisant partout résonner le mantra « Om Namah Shivāya ».

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Illustration : Satya le 11/03/21 nuit de Shivaratri.

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