On veut être grands et normaux, tu vois. On veut faire partie du troupeau, pas être laissé sur le bas-côté. C'est ça, notre truc. Ce besoin de s'accrocher, cette trouille de se faire jeter ou pointer du doigt, elle est sans fin. Et si on ose creuser un peu, plonger dans cette crasse, on voit bien que c’est une vraie terreur, une terreur qui te prend aux tripes.
On veut être grands et normaux, parce qu'on pense que rester un môme ou être bizarre, ça te fout direct à la porte. On veut être des adultes comme les autres, pas trop dépareiller, juste assez pour montrer qu'on a une touche, mais pas trop pour finir tout seul au fond de la salle. On veut pas prendre le risque de se retrouver dehors, sur la touche.
On veut être grands, mais dans cette foutue quête, on signe notre malheur. Parce que c'est dans cette fragilité d'enfant, dans cet émerveillement crétin et dans ce jeu stupide qu'on peut trouver une once de joie. Pas dans ce foutu raidissement, cette peur de se casser la gueule qu'on appelle tristement maturité.
On veut être normaux, mais c'est dans ce putain d'effort qu'on s'enfonce encore plus. Parce que c'est en laissant tout ce merdier qui nous passe par la tête, sans filtres, sans jugements, qu'on arrive à suivre le bordel chaotique de la vie sans se faire trop mal.
On veut être grands et normaux pour que les autres nous laissent tranquilles, qu'ils nous laissent exister à côté d'eux. Mais dans ce foutu désir, on construit nos propres murs, notre solitude bien profonde. Parce que c'est seulement en montrant nos fissures, et pas notre belle façade, qu'on arrive vraiment à se rencontrer, à se toucher.
Le comble, c'est qu'on croit tous que les autres, eux, ils ont pigé le truc, qu'ils sont vraiment matures et bien dans leurs pompes. Et on n'ose pas prendre ce foutu risque, celui de se montrer tels qu'on est vraiment, alors qu’on sait bien, au fond, qu’on est tous des gamins perdus et des anormaux.
Ah, la belle connerie.
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