Que disent les textes traditionnels :
Pratyahara désigne l’écoute intérieure, le retrait des sens.
Pratyahara est l’ anga , la composante du yoga, dont l’objectif est de protéger le mental de toute agitation d’origine extérieure afin de l’apaiser. La pratique de Pratyahara c'est une écoute attentive active et sereine de ses perceptions internes.
Dans les Upanishads, on lit déjà "qu'en se préoccupant des objets des perceptions, le mental est alimenté ce qui mène à l'illusion et à la souffrance. En revanche, si le carburant des perceptions est retenu alors de même que le feu s'éteint sans combustible, le mental se trouve réabsorbé dans dans la conscience dans le soi."
De même Amrita Bindu Upanishad 4 dit : "Une fois la dépendance à l’égard des objets des sens abandonnée, l’esprit stabilisé dans le cœur obtient la nature du Soi et donc la Suprême Demeure."
L'écoute intérieure se fait par le retrait temporaire des perceptions « d’origine externe ». Ces perceptions "externes" sont celles qui proviennent de stimuli venus du monde environnant. Sons, odeurs, images, goût, sensations, alimentent sans cesse le mental d’informations essentielles pour la compréhension de notre environnement. C'est pourquoi, dans le monde hyperstimulant dans lequel nous évoluons, de plus en plus d'êtres deviennent hypersensibles!
Ce processus est naturel et indispensable dans la vie courante. Cependant, si le flot d’informations est incessant, le mental réagit sans cesse aux nouveaux stimuli, il se disperse et entre dans un état d’agitation qui est énergivore et déstabilisant.
Patanjali mentionne l’importance de ce retrait dans le Sutra II 54 : « Quand le mental n'est plus identifié à son champ d'expérience, il y a comme une réorientation des sens vers le Soi ».
Dans la vie courante nos sens sont happés vers l’extérieur par tout ce qui les sollicite. Si le mental cesse d’être identifié à cette vie extérieure, on devient libre de retrouver la dimension d’intériorité, le conscience, le soi.
Pour pratiquer pratyahara, on se retire de la vision de ce qui nous entoure : traditionnellement, on ferme les yeux en position allongée immobile Savasana. Dans certaines pratiques dont le Yoga traditionnel pendant les asanas (postures) on fixe la direction du regard (drishti) au lieu de regarder autour de soi, pour éviter de maintenir les sens en éveil. On se retire également des perceptions auditives venues de l'extérieur en écoutant le son de sa respiration: ceci est facilité par la respiration en ujjai SILENCIEUSE . J'insiste car je vois beaucoup de pratiquant faire ujjai bruyamment ce qui n'a pas lieu d'être, cela épuise le système nerveux. Il est "accepté" bruyamment uniquement pour le débutant qui se familiarise avec ce pranayama.
Dans pratyahara, en empêchant notre attention de vagabonder, nous développons ce que le tantrisme nomme le centre, le soi, la conscience (madhya). Le mental devient "suspendu"; c'est l’arrêt de l'agitation intérieure, la "vacuité du mental". Le prana (l'énergie) manifestation du principe féminin de la création symbolisé par Shakti, cesse "d'osciller". Effectivement les ondes (oscillations électriques) du cerveau enregistrées sur les pratiquants durant pratyahara, dharana (concentration) et dhyana (méditation) sont modifiées: les ondes alpha caractéristiques de l'activité de méditation et thêta de l'activité du subconscient augmentent au détriment des ondes bêta de l' activité extérieure et delta du sommeil .
Pour pratiquer pratyahara, on tourne son attention vers l’intérieur. En pratiquant pratyahara, on reste en éveil, ouvert, attentif à toutes les perceptions intérieures corporelles ou mentales, agréables ou désagréables, mais on ne démarre aucun processus de questionnement, ni de réflexion sur ces perceptions. Cette écoute de l’espace intérieur est non réfléchie, non sélective, non jugeante mais on peut la faciliter en orientant l'attention vers tel ou telle perception : vers le mouvement naturel associé à la respiration, vers le passage de l'air dans les narines, la diffusion de la chaleur dans le corps lors des expirations, la sensation de lourdeur et détente du corps ou encore vers la perception des images, des idées qui abordent notre mental. Cette écoute ne rejette rien pas même les perceptions désagréables de douleur, de tension. On n'évite pas les sensations désagréables mais on les ressent sans les laisser s’amplifier. En cas de perception désagréable (douleur, tension) qui provoque l’agitation, on pratique des techniques de pranayama telles que des respirations profondes avec des expirations prolongées durant lesquelles on accompagne mentalement le souffle de l’expiration dans la douleur.
Quand on pratique pratyahara on laisse venir et on laisse passer ses perceptions, ses émotions, ses sentiments, ses images sans être altérés par eux. C'est le lâcher prise.
En outre, nous apprenons à observer ses perceptions avec l’œil d’un observateur extérieur, non plus avec celui d’un acteur : on devient le témoin (la conscience) des idées, des images, des sentiment qui nous traversent. On les laisse passer : on les laisse venir et disparaitre sans questions sans réflexions. On prend de la distances par rapport à eux. On ne s’identifie plus à eux. On en est le spectateur conscient et attentif.
Pratyahara contribue à apaiser le mental en diminuant l'anxiété. L’anxiété se traduit par une inquiétude à propos de l’avenir et des choses négatives qui ne sont pas encore arrivées et qui n’arriveront probablement pas. En pratiquant le retrait des sens, en dirigeant l'attention sur des sensations corporelles, comme par exemple, la sensation de la respiration qui entre et sort par les narines, on s'ancre fermement dans l’instant présent : ce qui tend à détourner de l'anxiété et à apaiser le mental.
Avec prathyara, on apprend le discernement entre les perceptions éphémères et la conscience de ces perceptions qui constitue la réalité du soi : on apprend le détachement de l’ego, le détachement de ce que l’on croit important et qui n’est qu’illusoire, éphémère, déjà disparu ou seulement anticipé. De cette compréhension de l'impermanence, naît la conscience du moment présent. Du détachement naît la satisfaction de ce moment présent (santosha - contentement). Pratyahara nous ramène dans l’instant et la satisfaction de cet instant.
La pratique de pratyahara est le moment béni où le brouhaha du mental cessant, se révèle en "vacuité de l'esprit" propice à l’entrée dans la concentration (dharana) conduisant à la méditation (dhyana) .
Dans le contexte contemporain où les stimuli externes se sont multipliés, pratyahara est un outil fort utile dans la quête de la paix intérieure et de l'autonomie de conscience .
Satya.
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