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À propos du tantrisme et de ses préceptes




Nous voulions aborder ce point avec vous (surtout les personnes qui suivent les cours ou le travail d'accompagnement individuel) parce que, personnellement, le tantrisme est la voie que j'étudie depuis maintenant un paquet d''années. Il me semble indispensable de marquer ma position "Yogique" afin que vous puissiez placer votre discernement dans vos choix "d'écoles". Par la même occasion, remettre un peu de vérité dans tout ce qui "naît" sur le tantrisme me tient personnellement à coeur.


Un peu de théorie : Le mot tantra est composé de la racine verbale « tan » et « tra » qui signifie : fil, continuité, chaîne de tissage d'un tissu, succession, méthode, règle, traité en sanskrit moderne.


Et selon l'interprétation traditionnelle le mot "tantra" est relié phonétiquement aux deux mots sanskrits :

tanoti (expansion)

trayati (libération)

Ce qui voudrait dire tendre vers la libération ?


Le tantra traditionnel est une « voie de transformation intégrale de l'être humain », qui passe par le corps et les cinq sens.

À la suite du védisme (1500-1000 av. J.-C) qui place le désir (kāma) à l’origine de la Création, le brahmanisme (-600 av. J-C et 500 de notre ère) développe au contraire une « idéologie de la rétention et du renoncement». Le tantrisme apparaît en réaction pour restaurer le kāma (désir) en tant que voie de libération (moksha).


Émergeant dans la vallée de l’Indus, à une date sur laquelle les spécialistes ne peuvent se mettre d'accord, le tantrisme repose sur deux principes. Ils sont symbolisés respectivement par Shiva (énergie masculine, conscience) et par Shakti (principe féminin, énergie) qui, bien que portant des noms venant de l'hindouisme, ne sont pas assimilés à ces dieux. De nos jours, par ignorance, on donne le nom de « tantra » à des pratiques thérapeutiques "sexologiques", souvent très éloignées de l'esprit du tantrisme originel. Le tantrisme a souffert d'une approche New Age (peut-être dû à l’explosion de Osho dans les années 65 – 85?), on a trop voulu voir une ritualisation de la sexualité, alors que le tantrisme est plus simplement la sexualisation du rituel (visionner une Puja traditionnelle pour s'en faire une idée).


La délivrance est atteinte en intégrant le désir à la spiritualité (parce que l’être humain est un être de désir, il passe par son expérimentation), par la pratique de rituels et d'exercices yogiques. Le pratiquant (tantrika) doit transmuter son corps pour l'intégrer aux forces de l'univers, en utilisant le désir, l’énergie du monde. Selon André Padoux, spécialiste du sujet, « le tantrisme veut permettre à l'homme d'atteindre la libération sans renoncer au monde, de parvenir à la paradoxale coïncidence de la manifestation et de la divinité. »


Pour accomplir les rites tantriques traditionnels, il faut avoir été initié au moyen de ce que l'on nomme la diksha. Le culte de la divinité choisie (puja) se fait à l'aide de méditation, visualisation (de yantra ou mandala), de pranayama (contrôle des souffles vitaux), de récitation de mantra, d’utilisation de mudra.


Le yoga tantrique a pour but de réaliser l'union avec l'énergie shakti, et donc par essence, le Divin. Cette énergie se retrouve dans le corps sous la forme de la kundalinî à la base de la colonne vertébrale. Dans le tantrisme se trouve une description précise de corps subtils et de centres d'énergie (chakra – voir les traités magnifiques de Tara Mickael à ce sujet), à travers lesquels la kundalini remonte. Les textes insistent sur le danger concret de ces pratiques et sur la nécessité réelle d'un maître compétent. La montée de la kundalini peut également se faire par des pratiques sexuelles ritualisées. Selon André Padoux, « les rites tantriques deviennent ainsi un moyen, dépassant le bien et le mal, d'atteindre la toute-puissance et la délivrance par la plongée conquérante dans le chaos et les forces obscures. »


Il existe deux types de tantrisme, deux voies, qui historiquement ont souvent été utilisées simultanément :


- daksinācāra, ou Daksina marga tantra orthodoxe, aussi appelé tantra blanc, où sont pratiqués : les mantra (brèves formules sacrées d'invocation), les yantra (figures géométriques), la visualisation, la méditation assise, les asanas, la dévotion à travers diverses formes de vénération des temples et observant la voie de la renonciation.

Ceci est la voie Védique : Ici, la femme est inutile, que ce soit la mère, la sœur, l’épouse, car on considère que l’aspirant réunit en lui les deux forces complémentaires : Ida, force féminine et Pingala force masculine. C’est l’union entre la conscience et l’énergie, identifiée à l’union de l’homme et de la femme.


Pour le Hatha Yoga, Ida, canal gauche lunaire est Shakti, Pingala, canal droit solaire, est Shiva. Leur union a lieu au niveau de Ajna Chakra. Shakti est en Muladhara Chakra. Les pratiques du Hatha Yoga l’éveillent, elle est stimulée et file vers Ajna à travers Shushumna (canal central – proche de la colonne vertébrale). Lorsqu’elle atteint Ajna, la fusion entre les 2 polarités ont lieu.


- vāmācāra, ou vama marga, utilise (aux yeux du profane) des offrandes jugées impures. Dans le tantrisme, avant le mariage, la femme est assise à la droite de l'homme. Mais après la cérémonie de mariage, elle prend place à sa gauche. On l’appelle alors Vama. En sanskrit Vama signifie : ce qui est à gauche. Vama se rapporte également à Ida (canal/nadis lunaire). Chez les Hindous, ce sont en effet les femmes qui, presque toujours, conduisent les rituels, religieux ou non. Les hommes n’ont rien à faire. Qu’il s’agisse d’une fête sociale ordinaire, d’une cérémonie religieuse, du culte de quelque déité ou d’un jour de jeûne, c’est toujours la femme qui prend l’initiative, l’homme devant juste suivre ses instructions.

Cette tradition est admise en Inde, et elle fait de la femme l’initiatrice de l’homme. Vama Marga est donc la voie spirituelle sur laquelle vous cheminez avec votre partenaire.

Une forme particulière d’initiation est appelée Kala Chakra. Elle implique l’initiation du fils par sa mère. Elle est très connue et pratiquée, encore de nos jours, au nord du Bihar, dans une zone d’influence délimitée par la frontière du Népal au nord, l’Assam à l’est, l’Uttar Pradesh à l’ouest.


Traditionnellement, le fils doit considérer sa mère comme une déesse et l’honorer comme telle. A l’instar des chrétiens qui vont à l’église ou des Hindous qui se rendent au temple pour se prosterner devant leur Dieu, le fils doit, chaque matin, s’incliner devant sa mère. Ce n’est pas seulement une marque de respect envers l’aînée de la famille. C’est un culte spirituel rendu à la mère/déesse en tant que Guru.


C’est de ce deuxième type (vama marga) que ce sont nourris certains « maîtres » pour convaincre les pratiquants. Que la voie « sexuelle directe », (parfois même allant jusqu’à exclure tout travail préparatoire, toute diète, toute asanas, pranayamas, méditations) est une voie lumineuse de libération (moksha).


Que disent les textes finalement ?


Il est difficile ici d’extraire tous les sutras où l’on évoque l’uniion shiva / shakti. Nous allons tout de même illustrer l’exposé par quelques sutras du Vijnana Bhairava Tantra. Le texte originel comporte 163 sutras, il est considéré que 112 sutras sont majeures, que Lilian Silburn a traduit et surtout remarquablement commenté.


La lecture des différentes versions des textes a de quoi rendre perplexe un lecteur sans préparation, les traductions pouvant "différer", et les comparer entre elles est un peu ardu, car comparer la sutra 104 de Lilian Silburn avec la sutra 104 de Pierre Feuga est inutile : ce ne sont pas les mêmes. Il existe en fait un décalage de l'ordre du chiffre de "23" pour arriver à les comparer : ainsi la sutra "60" de Pierre Feuga, correspond à la sutra "83" de Lilian Silburn, la "61" correspond à la "84", etc... ....idem pour la version de Daniel Odier... ...Bref, le moyen idéal est de prendre les versions imprimées, et de les comparer minutieusement, en se servant de son intuition pour arbitre suprême ou de suivre cet enseignement avec un enseignant qui lui-même aurait reçu l’enseignement oral.


Sur les 112 principales, voici les 3 sutras qui parlent de l’union sexuelle :


<<Mais qu’on fixe la pensée qui n’est plus que plaisir dans l’intervalle de feu et de poison. Elle s’isole alors ou se remplit de souffle et l’on intègre la félicité de l’Amour.>>


=> "De feu et de poison" : cela est le moment après l'amour, quand le calme arrive et que beaucoup trouvent là le sommeil, pour le mystique la chose prend une autre tournure bien plus subtile que le simple "dodo"...


<<La jouissance de la Réalité du brahman qu’on éprouve au moment où prend fin l’absorption dans l’énergie fortement agitée par l’union avec une parèdre (shakti), c’est elle précisément qu’on nomme jouissance intime. >>


=> Description de l’état de béatitude après l’union.


<<O Maîtresse des Dieux ! l’afflux de la félicité se produit même en l’absence d’une énergie (femme), si l’on se remémore intensément la jouissance née de la femme grâce à des baisers, des caresses et des étreintes.>>


=> Selon nous, il n’y aurait pas nécessité de passer par l’union sexuelle pour atteindre la béatitude.


Voilà l'essence primordiale de ce mot "tantra / tantrisme" mis aujourd'hui à toutes les sauces "néo new age" que nous pouvons retrouver dans le titre des "évènements et stages". Ne serait-t-il pas plus honnête d'oser dire simplement que le tantra est devenu la belle opportunité spirituelle pour donner vie à nos désirs et à nos compulsions humaines?


Tapez-moi sur les doigts si vous trouvez que j'ai tort, ça n'en sera que plus intéressant!


Vision moderne du tantrisme et du Yoga


Le tantrisme est l’actualisation de l’intuition d’un silence. Cette prise de conscience amène un éclaircissement de votre expression corporelle-mentale. Votre manière de dormir, de manger, de rêver, d’être relié aux autres, à la nature, est affectée. Éventuellement certains rituels qui participent à cette intégration se présentent, mais l’essence du tantrisme est au-delà de tout rituel. Quand vous rencontrez un être libre, un être dit « tantrique », qui ne se prend pas pour quelqu’un, vous le sentez, vous êtes même ébranlé car cette liberté que vous ressentez à son contact est en réalité la vôtre (perdue quelque part). Pourtant quelque chose en vous pressent que cette liberté est sans condition, là, logée quelque part en vous. Le tantrisme est la révélation de cela.


Peu à peu vos activités prennent la saveur de la liberté, peu à peu vos rapports avec le monde, l’extérieur sont teintés non pas d’un puritanisme védique ou religieux (« il faut que je sois pur… ») mais de vision claire, d’actes libres. Le mensonge n’est plus considéré comme « mal » mais comme un mensonge. Point barre. (Au delà du Yoga de Patanjali et des Yamas et Niyamas.)


Le tantrisme est sans but, il n'existe aucun exercice pour "arriver" à quoi que ce soit… puisque dans « exercice » existe quelqu’un pour atteindre un but. Travailler le corps avec but n’est que violence.

La sexualité représente souvent une fixation. Il faut explorer cette restriction car elle disparaît dans une démarche tantrique. La sexualité est une compulsion. Les êtres humains ressentent une tension et la sexualité représente un moyen de l’éliminer. Quand votre corps est dans une tranquillité, vous vous sentez autonome, sans besoin. Alors, vous pouvez rencontrer l’autre librement. Quand vous touchez, quand vous regardez, sentez, goûtez avec cette liberté alors il y a puissance : on rencontre l’autre dans la plénitude et pas dans le besoin.


Le touché par désir reste en surface, vous projetez votre désir et vous servez de l’autre corps pour satisfaire cette impulsion. Avant de découvrir un autre corps, il faut découvrir son propre corps. Un corps habité par la peur, le désir, l’anxiété, ne peut pas réellement ressentir. Il faut d’abord amené son corps à une écoute. Le corps n’est pas un hasard. Vous regardez ce corps, le sentez, le goutez jusqu’à ce que vous déceliez qu’il n’est que schémas. Dans le Yoga tantrique, la première étape est de mettre à nu la structure corporelle. Le corps se révèle comme une masse de réactions, de peurs. La glotte, le sternum, les mains, les yeux… Ce qui plait, on veut s’en saisir, ce qui déplait, on le refuse. Le corps est constamment soumis au mouvement de l’attraction et de répulsion. Quand on vous dit que vous êtes un homme extrêmement sympathique, tout votre corps se relâche, vous vous détendez. Quand on vous dit que vous êtes idiot, tout le corps se fige et se fixe. Il y a tension.


Avant de rêver de faire une rencontre, il faut se rencontrer soi-même, que la corporalité retrouve son ouverture, sa transparence naturelle. C’est le premier pas. De là, intervient ce qui a été caricaturé dans le tantrisme. Le tantrisme est une célébration, pas un moyen. On utilise pas la sexualité pour arriver à ceci ou cela.

Le tantrisme c’est la Joie, la célébration du Silence, vous célébrez votre être.


Om Shanti.


Sources :

Wikipedia "tantrisme"

Eric Baret - "Les crocodiles ne pensent pas".

Pierre Feuga - "Tantrisme : Doctrine, pratique, art, rituel".

Notes personnelles de séminaires et stages avec Tara Michael, Yogi Matsyendranath, Denis Billo.

André Padoux - "Comprendre le tantrisme".

Arthur Avalon - "La puissance du Serpent".



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